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SAFERS et la lutte contre les feux de forêt : Entretien avec Maha AL-SALEHI du SEMIDE

SAFERS et la lutte contre les feux de forêt : Entretien avec Maha AL-SALEHI du SEMIDE

En Novembre 2020, Hugo Fernandez, étudiant en troisième année de licence européenne de communication et d’information à Toulouse a réalisé cette interview avec la responsable de la communication de SAFERS, Maha AL-SALEHI du SEMIDE :

-Tout d’abord, pourriez-vous nous parler de votre organisation : le SEMIDE, ainsi que de votre rôle personnel au sein de celui-ci ?

Le Système Euro-Méditerranéen d’Information sur les savoir-faire dans le Domaine de l’Eau (SEMIDE) a été créé suite à la Conférence Ministérielle Euro-Méditerranéenne sur la Gestion Locale de l’Eau de ­Marseille (novembre 1996), avec pour objectif d’améliorer la coopération régionale, notamment par la mise à disposition, dans tous les pays partenaires, des informations disponibles sur la gestion intégrée des ressources en eau.

Aujourd’hui, le SEMIDE est devenu le principal outil d’échange d’information et des connaissances dans le domaine de l’eau de la région Euro-Méditerranéenne. Son Comité Directeur est composé des Directions de l’Eau de 13 pays et son Unité Technique basée à Sophia-Antipolis.

Depuis 2014, dans le cadre de la Plate-forme Méditerranéenne des Connaissances sur l’Eau, labellisée par l’UpM (Union pour la Méditerranée), le SEMIDE soutient le développement de ­Systèmes d’Information Nationaux sur l’Eau, partagés entre les principales institutions de chaque pays, afin d’améliorer les processus de planification et d’adaptation au changement climatique. Notre champ d’action inclus au-delà du secteur de l’eau, tous les secteurs ayant un impact ou étant impactés par les ressources en eau, ce qui couvre notamment le secteur agricole, la biodiversité, les forêts, les sols, etc.
Je suis membre de l'unité technique du SEMIDE et travaille sur plusieurs projets financés par l'UE en tant que chargée de projet. L'un de ces projets est SAFERS dont je gère les activités de communication.

-Pourriez-vous expliquer brièvement en quoi consiste le projet SAFERS ? Quels sont ses objectifs ? Quels sont les parties prenantes en Europe ?

Le projet SAFERS "Approches structurées pour les situations d'urgence liées aux incendies de forêt dans les sociétés résilientes" est un nouveau projet innovant cofinancé dans le cadre du programme européen Horizon 2020 pour une période de 3 ans (Octobre 2020- Septembre 2023) avec un budget de 3.25 millions d'euros.

Sa mission vise à aider les sociétés à devenir plus résilientes face aux situations d'urgence liées aux incendies de forêt. Il va réaliser un système complet de gestion des situations de crise (EMS) qui couvrira les phases clés du cycle de la gestion de crise. Il s’agit d’un système d'information intégrant des données d'observation de la Terre notamment les services offerts par le programme Copernicus de l'UE, des données provenant des réseaux sociaux et d'autres applications utilisées par les citoyens et surtout la sécurité civile, ainsi que des données en temps réel fournies par des capteurs existants ou spécifiques (e.g. caméras) pour détecter la fumée ou les incendies. Un algorithme avancé basé sur l'intelligence artificielle sera utilisé pour générer des cartes de risques et des alertes précoces dans la phase de préparation, estimer l'extension des feux de forêt et leur propagation en fonction des conditions du sol et des prévisions météorologiques prévues en phase d'intervention, calculer les impacts d'un feu éteint en termes de pertes économiques et enfin suivre le rétablissement des sols et de leur couverture dans la phase post-événement. Le projet rassemblera toutes ces données et services sur une plate-forme ouverte pour la gestion des feux de forêt et validera les services dans le cadre de 4 pilotes comprenant des démonstrations sur le terrain en Italie, en France, en Espagne et en Grèce.

Le projet est coordonné par la fondation LINKS, située à Turin, en Italie, et réunit 14 partenaires provenant de 7 pays européens : l'Italie, la Grèce, la Finlande, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Espagne.

-Quel est votre rôle dans ce projet en tant que partenaire ? Quel est votre rôle personnel en tant que manager de projet et de communication ?

Le rôle du SEMIDE dans SAFERS est de soutenir la communication et l’engagement des parties prenantes car nous travaillions sur plusieurs actions de communication et de diffusion autour des questions environnementales (nous nous focalisons sur l’eau mais avec une approche intégrant tous les sujets en lien avec l’environnement). Dans le cadre du projet SAFERS, l'impact des incendies de forêt sera analysé : perte d'écosystème, érosion des sols avec risque sur les ressources en eau (comme l’accroissement de sédiments dans les réservoirs, risque d'inondation plus élevé, etc…). Mon rôle est d'assurer que les activités de communication sont bien réalisées et qu'elles soutiennent les objectifs du projet en atteignant les parties prenantes ainsi que de soutenir les activités de commercialisation qui sont gérées par un autre partenaire.

-Deux partenaires ont été désignés en France, le Service Départemental d’Incendie et de Secours de la Haute-Corse et le SEMIDE, mais comment se passe la communication avec tous les autres services français d’intervention qui sont sur le front en cas d’incendie ? Ont-ils accès aux informations récupérées par les dispositifs du projet (données satellitaires, applications intelligentes, bénévoles) ? Est-ce par exemple la responsabilité du ministère de la transition écologique de généraliser le projet en France ? Sinon, à qui revient cette responsabilité ?

Premièrement, je pense qu'il est important de comprendre comment ces projets obtiennent les fonds. Ce n’est ni la commission européenne ni le ministère français de la Transition écologique qui «désignent» ces partenaires. Plutôt, les consortiums sont constitués autour d'une proposition (une idée innovante sur une thématique avec des étapes concrètes pour la réaliser) puis ils postulent pour les fonds, vous pouvez en savoir plus sur le programme Horizon 2020 ici [lien]. Ce qui explique comme pour les autres sites de démonstration du projet que tous les acteurs ne font pas partie intégrante de la proposition. Par contre, le design du système prévoit une large consultation des acteurs impliqués dans les 4 pays où des pilotes seront réalisés. Quelques utilisateurs externes seront aussi conviés à cette phase.  Un ensemble d’activités avec des ateliers est prévu pour le début 2021 sur ce thème. Les niveaux d’accès au système seront définis lors de cette phase.

L'idée de SAFERS est de développer une plateforme ouverte pour lutter contre les feux de forêt. La plateforme va intégrer plusieurs données (e.g. les données d'observation de la Terre et les services offerts par le programme Copernicus de l'UE, des données provenant des réseaux sociaux et d'autres applications utilisées par les citoyens ainsi que par le personnel d'urgence, des données en temps réel fournies par des capteurs précis pour détecter la fumée ou les incendies), puis transformer ces données en informations et services actionnels, enfin (pour valider les informations et services), SAFERS va les tester sur des sites pilotes sur 4 sites différents en Europe dont l'un est la Corse géré par le Service Départemental d’Incendie et de Secours de la Haute-Corse.

La plateforme sera ouverte aux différents acteurs (services d'intervention en première ligne en cas d'incendie, volontaires, citoyens, etc.). Après la validation de la plateforme et confirmation de la valeur ajoutée de données et services que SAFERS fournira, un plan d’exploitation de la plateforme sera défini pour offrir ce service à différents sites en Europe et au-delà. Il est de la responsabilité du consortium de SAFERS de réaliser cette «mise sur le marché» des solutions. Le rôle potentiel du ministère de la transition écologique sera défini lors de cette étape.

-Cette initiative est nouvelle en Europe, et elle semble être la première pouvant répondre à ce défi mondial que sont les feux de forêt, comment expliquez-vous qu’elle n’a pas été adoptée plus tôt ?

Il y a certainement des acteurs du marché européen qui proposent des solutions de haute technologie utilisant certaines des sources que nous utilisons (par exemple les données Copernicus, des capteurs, en plus d'autres sources). Dans le cadre du projet SAFERS, nous étudierons les concurrents existants et effectuerons une analyse SWOT pour offrir un avantage concurrentiel à nos parties prenantes ciblées.

-Parmi les moyens mis en œuvre afin de prévenir les foyers d’incendies en Europe, les “capteurs innovants” ont été cités, savez-vous de quoi il s'agit ?

Comme expliqué précédemment, la plateforme de SAFERS va intégrer plusieurs données et les analyser grâce à l’algorithme avancé basé sur l'intelligence artificielle. Parmi ces données, des données en temps réel fournies par des capteurs précis pour détecter la fumée ou les incendies
qui vont être connectés à la plateforme du SAFERS. Il s’agit notamment d’exploiter des réseaux de vidéo surveillance existants (après accord des opérateurs de ces réseaux) et l’installation de caméra haute résolution en certains points stratégiques.

-Le projet a été officiellement mis en place suite à la réunion virtuelle de lancement du 8 et 9 octobre 2020, y-a-t-il déjà eu à ce jour des résultats ou du moins des progrès convaincants concernant l’anticipation des incendies, ou dans les interventions ?

Nous sommes encore au stade du lancement du projet. Les résultats préliminaires seront probablement disponibles à la fin de la deuxième ou de la troisième année.

-Les images satellites permettent à ce jour de visualiser les différents départs d’incendies dans le monde entier depuis l’espace, est-ce pour vous un outil majeur qui pourrait être déterminant dans l’objectif d’anticipation des feux ?

Oui, les images satellites sont l'une des informations importantes qui sont déterminantes pour créer un système complet de gestion de crise (EMS) qui sera également intégré à notre plateforme (par exemple en utilisant les données Copernicus). Mais pour ces situations de crises, il faut des données avec un pas de temps beaucoup plus réduit que celui des images satellites, c’est la raison pour laquelle SAFERS fait appel au « big data »  (réseaux sociaux, capteurs connectés).

-Ces dernières années, les feux de forêt en France ont été de plus en plus dévastateurs, pensez-vous qu’avec le réchauffement climatique il sera malheureusement possible d’assister d’ici peu à des méga-incendies tels qu’on en voit en Australie, en Amazonie ou aux Etats-Unis par exemple ?

Les feux de forêt sont un défi mondial exacerbé par les impacts du changement climatique. De la Russie au Brésil, de l'Indonésie au Canada et aux États-Unis, de l'Europe, d'Israël et du Liban jusqu'au Groenland, les incendies de forêt sont devenus plus fréquents et plus graves. En Europe, en 2019, la chaleur intense et la sécheresse ont contribué à la propagation de plus de 1 600 incendies, soit plus de trois fois la moyenne de la décennie, la France et l'Espagne ayant enregistré un nombre d'incendies plus élevé que d'habitude (Euronews, 2019).

-Enfin, plus personnel, pourriez-vous nous parler de votre parcours ? Avez-vous déjà collaboré auparavant dans ce genre de projet environnemental ? Quelles sont à ce jour vos principales craintes pour notre environnement ?

J'ai commencé mon parcours dans le secteur de l'environnement dès mon plus jeune âge, j'avais brièvement travaillé dans ce secteur au Yémen, mon pays d’origine, pour «Sauver la flore et la faune du Yémen». Aujourd’hui, j’ai un master en «Gestion de projets technologiques» (dans le secteur de l’eau) et d'un bachelor en gestion environnementale à Skema Business School.

Depuis 2014, je fais partie d’UT SEMIDE où j'ai participé à la préparation et à la mise en œuvre de plusieurs projets de recherche et d'innovation cofinancés par l'Union européenne et abordant des questions liées à l'eau, à l'agriculture et au changement climatique. Je donne également des cours à Skema.

Il y a beaucoup de craintes car l'environnement est très interconnecté et complexe, mais probablement les impacts du changement climatique sont ceux qui m'inquiètent le plus.

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